RÉSUMÉ

Alors même qu’il ne peut jamais être imposé ni au salarié ni à l’employeur, ni même être mis en place sans que ne soit possible un retour au travail dans les locaux de l’entreprises (principe de réversibilité), le télétravail s’est naturellement invité dans les entreprises depuis sept mois en raison de la crise sanitaire. Alors que seuls 7 % des salariés télétravaillaient habituellement avant le confinement, 25 % d’entre eux ont poursuivi leur activité sous cette forme pendant le confinement.

Cette expérimentation contrainte et massive du télétravail in vivo ne peut servir de point de référence à une diffusion plus large de ce mode de travail dans les entreprises. Défaut d’anticipation de beaucoup d’entre elles (manque de matériel, absence de dématérialisation des process, enjeux de cybersécurité…), télétravail en « mode dégradé » pour nombre de leurs collaborateurs en raison de l’épidémie de Covid-19 (domicile inadapté au télétravail, garde des enfants d’âge scolaire, contraintes familiales ou médicales…) : le télétravail de crise n’est pas représentatif du télétravail. Il met néanmoins en évidence le nouvel attrait des salariés mais aussi des responsables politiques pour cette forme d’activité : amélioration de la qualité de vie au travail (meilleur équilibre vie familiale et vie professionnelle), désenclavement de certains territoires (en facilitant l’accès au marché du travail de leur population) ou encore impact environnemental positif (réduction globale des émissions de gaz à effet de serre) sont régulièrement mis en avant. Les chiffres traduisent cet engouement : selon une enquête conduite en avril et mai 2020, l’ANACT relève que 88 % des salariés souhaitent poursuivre le télétravail au-delà de la crise sanitaire.

Le télétravail est de ce fait devenu un nouvel enjeu du dialogue social, aussi bien au niveau national interprofessionnel, comme en attestent les concertations engagées par les partenaires sociaux, que dans l’entreprise, à l’instar des centaines d’accord en cours de négociation. Ces discussions doivent nécessairement inclure une dimension économique (quid des services à l’entreprise tels qu’immobilier de bureaux, entretien, gardiennage, restauration collective ?), organisationnelle (référentiel des activités télétravaillables, mise en place des moyens d’un travail à distance sécurisé) et managériale (développement du management par projet, renforcement du lien de confiance et de solidarité au sein des équipes, consolidation de la culture d’entreprise). En la matière, les données existantes, complétées d’un retour d’expérience du télétravail en période de pandémie, doivent guider, dans les prochains mois, une réflexion collective associant entreprises, salariés et pouvoirs publics.

Au plan juridique, les entreprises sont aujourd’hui dans une « zone grise ». Autorisé en raison notamment du risque épidémique, le télétravail exceptionnel se poursuit aujourd’hui alors même que l’état d’urgence a été levé, créant une forte insécurité juridique. C’est pourquoi a été dressée la check-list permettant aux entreprises d’auditer leur situation au regard des exigences légales et conventionnelles. Six recommandations leur permettront d’encadrer leur pratique du télétravail exceptionnel.

A plus long terme, les entreprises qui s’engageraient sur la voie du télétravail pourraient se heurter à des problématiques au regard des règles relatives à la protection de la sécurité ou à la régulation du temps de travail des salariés, ces exigences trouvant une acception particulière dès lors que le travail s’exécute en dehors des locaux de l’entreprise. Deux adaptations du cadre réglementaire devraient résoudre ces difficultés.